Clarisse a remporté l'une des 2 bourses CCI en 2021. Elle nous envoie des nouvelles depuis l'Amérique du Sud.
Voilà plus d'un mois que je vagabonde en Amérique du Sud.
Ce voyage que j'imagine depuis deux ans a bien failli ne pas voir le jour cette année. J'avais fait une croix dessus pensant que les frontières ne réouvriraient pas. Et puis à la dernière minute les frontières ouvrent, je pars, c'est le moment. Rien n'est prêt sauf mon envie de pédaler sur ces contrées lointaines.
Ce n'est pas la première fois que je voyage en vélo, mais c'est la première fois que je sors de l'Europe. Alors c'est avec peur mais surtout envie que je réussis à atterrir à la Paz avec Josette ma bicyclette à 4 000 m d'altitude.
Première épreuve, le mal d'altitude me terrasse, complètement KO je passe même à l'hôpital, je change de plan après une semaine de tentative de fabrication de globules rouges. Un bus m'emmène à un nouveau point de départ, Cochabamba plus bas en altitude. Dès le lendemain je pédale.
Je suis touchée par la gentillesse des Boliviens, très curieux malgré ma difficulté à communiquer avec eux. Mon espagnol n'est pas très bon, et ils parlent casteliano ! Mais j'arrive à bricoler pour pouvoir leur expliquer ce que je fais, demander un endroit où dormir, apprendre quelques mots.
Les routes que j'emprunte sont très belles, asphalte pas très fréquenté mais très vite je remonte au dessus de 3 500 m d'altitude. Et là c'est le drame, je ne suis plus malade mais je n'arrive pas à alimenter mon cerveau et mes cuisses en même temps.
Pas le choix je passe des heures à pousser mon vélo en montée avec qu'une envie en tête : jeter mon vélo dans le ravin. C'est un gros travail mental pour essayer de transformer mon état d'esprit. Passer du négatif au positif, relativiser, pleurer un peu (ok beaucoup mais toujours dans les descentes parce que derrière faut tout remonter) mais accepter la difficulté.
C'est le voyage le plus dur que j'entreprends. J'ai pas mal de peurs à apprivoiser, les chiens qui me courent après, les orages qui me terrifient.
À cela s'ajoute la tourista, deux nuits à vomir dans des endroits où je n'ai pas envie de rester. Mais c'est mon rêve d'être ici, de me sentir libre malgré toutes les difficultés, de me sentir forte d'affronter toutes ces épreuves, de voir d'autres réalités que celle que je vis en France.
C'est les montagnes russes émotionnelles, je pense passer la frontière en Argentine, celle-ci est fermée je dois aller 600 km + loin (je ferais une partie en voiture). Je sors de la Cordillère des Andes, je redescends là où les insectes vivent (je leur sers clairement de repas ! Mon corps n'est plus que boutons de moustiques et fourmis), je passe la frontière. La route que j'emprunte est nulle (plate hyper fréquentée), et il fait 40 degrés !
Je prend beaucoup de plaisir à bivouaquer, me faire réveiller par des cochons, des chevaux, observer les lucioles et les étoiles avant de dormir, planter ma tente sur un nid de fourmis.
Je suis actuellement à Salta en Argentine, je pensais rester ici pour Noël mais finalement je ressens l'envie d'avancer pour passer Noël seule sous ma tente. C'est la première question qu'on me pose "tu es seule ?", la deuxième "tu n'as pas peur ?".
J'aime bien être seule, ça amplifie mon sentiment de liberté.
Si j'ai peur, mais ce n'est pas un frein, c'est un moteur pour moi d'affronter mes peurs, de les questionner et les rationaliser. Si on regarde les chiffres, quel est le pourcentage de chance pour que je me fasse violer/agresser sur ce bivouac où personne ne m'a vue planter ma tente ? Dans 91% des cas de violences sexuelles l'agresseur est connu de la victime.
Et pourtant, j'ai gravé en mémoire les quelques cas d'agression de femmes en voyage.
Pour finir sur une note positive, je m'apprête à regrimper sur la Cordillère des Andes, probablement à plus de 3 500 m d'altitude, parce que au fond le plat c'est vraiment pas fun !
L'objectif étant de me retrouver encore plus dans la nature.
Direction Mendoza puis le Chili si les frontières terrestres sont ouvertes...
27 Dic2021